A quelques centaines de mètres du Vieux-Port, au cœur de la seconde ville de France, l’espace 3013 accueille l’inauguration de la Pride de Marseille. Le lieu se remplit ce soir-là peu à peu d’une foule pleine de diversité. Les discussions finissent par couvrir le faible fond musical qui émane de l’unique enceinte de la pièce. L’équipe de la Pride sera présente dans les locaux jusqu’au 2 juillet. On peut s’y renseigner sur les différents événements des Pride²Weeks les quinze jours d’événements culturel et militant, venir voir les expositions ou simplement se retrouver dans un lieu commun. “Cela permet d’avoir un QG dans lequel se retrouver et se reposer”, explique Joanne, une bénévole de l’organisation. Sur les murs blancs de la salle certains s’extasient des expositions photo : “Les 30 glorieux-ses” de Sun Afrika et Gamma Muse, “Familia” de Mad Rodrigues, “Indivisibles et visibles” du Refuge et #lacomedia de la Cie Essevesse.
Une communauté plurielle et soudée
Sur la cinquantaine de personnes présentes, de simples citoyens, des membres des associations rassemblées autour du projet, des drags queens aux tenues colorées, des artistes et des personnalités politiques se mélangent pour ce premier jour de fête et de revendication. Chaque année, l’événement permet de rassembler toute une communauté plurielle éparpillée à travers la ville et ses politiciens, moins présents en dehors de cette période du mois des fiertés. Le mot d’ordre de l’édition 2023 est d’ailleurs indivisible. Depuis 2014, date de création du comité de pilotage inter-associatif pour la Pride Marseille, l’association organisatrice, Fierté Marseille Organisation est considérée comme l’inter-lgbtqia+ locale. Elle réunit tous les ans une quarantaine d’associations, afin de porter d’une seule voix les messages de toute la communauté marseillaise. Une volonté qui se traduit notamment dans les événements. Le Drag2Mars, associe 30 artistes drag de différents collectifs pour le drag show officiel de la pride.
Dans la chaleur de cette fin de juin, les programmes de la Pride distribués par les bénévoles, identifiable par leur t-shirt blanc, font office d’éventails improvisés. Le bar offre pour l’occasion des rafraîchissements. Il est pris d’assaut avant le temps des discours. D’abord, ceux des artistes à l’origine des expositions. Sun Afrika, dans une robe dorée, explique comment iel met en avant les personnes LGBTQIA+ et racisées dans son art. “Je suis malgré moi une représentation de ces personnes, je n’ai pas peur de me mettre en avant de manière majestueuse pour montrer que les personnes qu’on pense en bas sont en haut”. Viennent ensuite les représentants des pouvoirs publics : le vice-président de la région, Ludovic Permey, et Théo Challande, l’adjoint au Maire de Marseille. Si le premier réitère le soutien des institutions envers les personnes queer, Théo Challande reconnaît le constat fait par plusieurs associations : celui de la multiplication des actes violences envers les personnes LGBTQIA+.
Montée des LGBTphobies
En mai dernier, le dernier rapport annuel de SOS homophobie pointait du doigt une hausse “préoccupante” de 28% entre 2021 et 2022 des agressions physiques contre les personnes LGBTQIA+ en France. Les personnes transgenre sont particulièrement touchées, avec une augmentation de 26% des actes transphobes en 2022. Une détérioration confirmée par de multiples associations, notamment dans le dernier rapport de la fondation Jean Jaurès. Stéphane Bernard est bénévole depuis une dizaine d’année et président de l’association Fierté Marseille Organisation depuis deux ans: “Cela fait plusieurs années que toute la haine est décomplexée, les gens n’hésitent pas à dire qu’ils sont homophobes, transphobes, racistes, grossophobes, peu importe la discrimination, sur les réseaux sociaux et dans certains médias”. En mai dernier, le centre LGBTQIA+ de Tours (centre de la France) a été la cible d’une sixième attaque en quelques mois. Un lycéen de 17 ans a jeté une bouteille explosive remplie d’acide sur le centre. Parmi les 109 revendications présentées lors de l’inauguration par l’association Marseille Pride Organisation, Stéphane Bernard en sélectionne particulièrement trois. Il demande que de vraies sanctions soient appliquées contre les agressions lgbtphobes, qu’il y ait beaucoup plus de facilités pour porter plainte et l’obligation pour les écoles et les institutions de se former sur les sujets LGBTQIA+.
Ouverture du centre lgbtqia+ de Marseille
A seulement 300 mètres de l’espace 3013, entre la place Sadi-Carnot et le Vieux-Port, le nouveau centre LGBTQIA+ ouvrira ses portes au plus tard en octobre, trente ans après l’ouverture de celui de Paris. Dans le cadre des Pride²Weeks, une visite guidée du centre est proposée. Encore en plein travaux, la visite prend une allure d’urbex (exploration urbaine). Au milieu du placo, des sacs de ciment et autres outils, le petit groupe d’une quinzaine de visiteurs se déplace silencieusement, profitant de la fraîcheur du lieu. Les murs, s’ornent déjà de dessins à tendance homoérotiques et de signatures, comme pour marquer sa trace.
“J’ai du mal à imaginer comment ça sera une fois meublé”, rigolent ensemble deux visiteurs. Pourtant, ça y est, 5 ans après la naissance du projet, les institutions ont enfin annoncé début 2022 leur soutien à la construction du centre. Au total 150 000 euros ont été alloués par l’Etat et les collectivités locales à Fierté Marseille Organisation, en charge du pilotage du projet. « C’était un travail de longue haleine avec des hauts, des bas, des ralentissements, des accélérations. Maintenant, on y est. On a un local, il nous reste à faire mais on est bien parti », explique Maximilien Degonville, coordinateur du projet.
Sur les 380 m² du centre, du numéro 17 au 21, plusieurs espaces seront mis à disposition. Un espace inter-associatif avec une salle de travail, une bibliothèque et un point de permanence. Au sous-sol, un studio d’enregistrement géré par un collectif sera également proposé aux adhérents ainsi qu’un vaste espace de stockage pour les associations. Un deuxième espace fera office de centre médico-social avec plusieurs douches accessibles sur demande. Et enfin, un espace bar et cantine, qui semble être celui qui intéresse le plus les visiteurs. Plus facile à imaginer, des chaises sont entassées les unes sur les autres et le comptoir est déjà fixé, il ne manque plus que la scène. Une quarantaine d’associations se réuniront dans ce lieu. “Cela va enfin permettre à la communauté d’avoir un lieu pour se rassembler, se renseigner, militer ensemble et accueillir des personnes qui ont besoin de soutien”, conclut Stéphane Bernard.
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