Adel Nouar posant devant ses photos.
A deux pas de la gare Saint-Charles à Marseille, le tiers-lieu Massalia Vox a ouvert ses portes vendredi 16 juin pour accueillir l’exposition « Ordinaires » du photographe local Adel Nouar. Après avoir enseigné l’anglais pendant douze ans dans un lycée de la ville, écœuré par les politiques éducatives, il se tourne vers la photographie. Premier événement de la Pride²Weeks, la semaine culturelle, festive et militante de la Pride 2023, l’exposition a été organisée dans le cadre du festival AOZIZ. AOZIZ est un réseau de maisons inclusives fondé en 2018 par deux compagnies de spectacle vivant, L’autre Maison et L’atelier de Mars, et par l’organisme de recherche institut CALEM.
“Cette exposition d’une quinzaine de portraits se veut comme un modeste aperçu de la « normalité » qu’arrivent à installer dans leur vie à Marseille des personnes réfugiées, en situation de migration, et qui doivent faire face à l’expérience du déracinement” peut-on lire à l’entrée de la salle. L’objectif est de présenter des portraits simples pour montrer que derrière les discours haineux, il y a des personnes ordinaires qui aspirent simplement à vivre en paix à Marseille. “Ils ont des besoins ordinaires, de faire la fête, d’amitié et de prendre soin de leur famille”, déclare avec un sourire Adel Nouar.
Afin de proposer une expérience authentique, chaque portrait est accompagné d’un audio dans lequel le sujet raconte son parcours et les discriminations auxquelles il a été confronté. Anglais, français ou langues maternelles, les langues sont multiples et permettent au photographe de supprimer un filtre en donnant vie aux expressions et aux voix : “J’aime le travail sur le récit qui donne de la validité à leur parole”, confie Sophie, bénévole à Didac Ressources, l’une des associations fondatrices de Massalia Vox.
L’exposition se découpe en trois volets. Le premier, intitulé “c’est la fête”, plonge le visiteur dans le réveillon de noël du CADAAG de la rue Saint Basile à Marseille. Ce projet de squat légal et autogéré soutenu par l‘AUP (Association des usagers de la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile) a accueilli pendant 2 ans et jusqu’en mars dernier des personnes demandeuses d’asiles. Si leurs parcours est souvent fait de violence, ces photos témoignent de la joie que procurent ces initiatives, notamment dans le fait d’avoir un pied à terre pour partager des moments de fêtes.
Le deuxième volet, nommé “Iels”, capture l’ambiance d’un pique-nique organisé à l’occasion de l’Eid el Fitr par des membres et bénéficiaires du projet Sindiane, qui propose des ateliers pour les femmes et les personnes LGBTQIA+ en exil. Chaque photo, co-créée avec les sujets, laisse ressortir la personnalité de chacun.e. Sur l’un des clichés, Marta est allongée sur l’herbe avec une amie, la photo a été prise sur le vif. Sur une autre photo, Nada pose avec décontraction et réserve. “Elles tordent le cou aux clichés”, explique Adel Nouar, racontant l’amitié qui lie Anna, d’origine russe aux cheveux roses, et Faiza soudanaise portant le voile, qui partagent de nombreux projets au sein de l’association.
La dernière partie, “Toi, moi ensemble”, propose des portraits de personnes accueillies au sein de l’institut Calem. Adel Nouar aime les appeler des “électrons libres”. Gravitant en dehors des associations, cette bande d’amis s’approprie Marseille par ses propres moyens malgré les difficultés rencontrées. Wissem, né en Syrie, a fui son pays par la Turquie jusqu’en France. Il témoigne des agressions vécues en France: “Mon ami a été agressé par plusieurs personnes à cause de son homosexualité. Il a été blessé et il est allé à l’hôpital, puis à la police. Nous n’avons obtenu aucun droit. Au contraire, l’agresseur est toujours là, à marcher devant ses yeux tous les jours, et rien ne s’est passé”, confie-t-il. “Nous devons nous soutenir mutuellement, face à tous ces problèmes liés aux questions LGBT+”, conclut Wissem.