Le conflit syrien a impliqué militairement une partie des pays des rives nord et sud de la Méditerranée de manière directe à travers des initiatives individuelles ou à travers le jeu de coalitions hétéroclites répondant à des motivations et à des intérêts variés.
L’armée la plus impliquée dans le conflit reste l’armée israélienne qui mène une véritable guerre de sape contre l’armée arabe syrienne (AAS) et le pouvoir de Damas. Officiellement, Israël est neutre mais en réalité elle intervient directement, de trois manières. D’abord, elle riposte de manière toujours disproportionnée aux bavures de l’armée arabe syrienne dans le Golan et d’autres groupes armés, mais en ciblant uniquement les positions de l’AAS jusqu’à créer un no man’s land entre les deux armées.
L’armée israélienne: des soins à la guerre électronique
Ensuite, l’armée israélienne offre assistance à certains groupes engagés contre le régime de Bachar Al Assad, en fournissant essentiellement des soins aux « combattants » blessés et de l’aide humanitaire, en échange d’actions contre l’infrastructure défensive et de renseignement de l’AAS sur les frontières avec Israël. Ainsi, toutes les compagnies de guerre électronique et d’écoutes syriennes ont été attaquées systématiquement par les combattants de Jabhat Al Nosra dans tout l’ouest syrien. Plus de 2 000 combattants de JAN ont dans le même temps bénéficié de soins en Israël ces dernières années.
Enfin, sous couvert de la guerre préventive contre le Hezbollah, l’armée de l’air israélienne a effectuée des dizaines de frappes stratégiques. Entre janvier 2013 et janvier 2017, huit campagnes aériennes, ciblant du personnel, des infrastructures et des dépôts, ont été effectuées par les avions israéliens. Le principal gain obtenu par l’Etat hébreu a indiscutablement été le démantèlement de l’arsenal chimique et bactériologique syrien en 2014, qui représentait pour Damas sa principale force de dissuasion dans sa confrontation avec Israël.
L’armée turque, du soutien aux groupes armés anti-régime à l’alliance avec la Russie
L’autre acteur incontournable de la guerre en Syrie est la Turquie qui a joué un rôle très important en alimentant le conflit depuis le début. La Turquie semblait avoir été motivée par des considérations pantouristes, liées à l’ethnie turque, en aidant les groupes Turkmènes à gagner du territoire dans le nord de la Syrie et sur le littoral proche de la Turquie. Elle a refusé de laisser se créer un Kurdistan indépendant en Irak et en Syrie. Sur le terrain, elle fournit un appui à l’ensemble des groupes djihadistes qui s’opposent au régime de Bachar Al Assad ou aux forces kurdes du YPG, des mouvements locaux aux organisations affiliées à Al Qaida comme Jabhat Al Nosra et même l’Organisation de l’Etat Islamique. La Turquie a même acheté l’ensemble des exportations pétrolières de l’organisation.
Après l’intervention de la Russie et l’escalade militaire entre Moscou et Ankara qui s’est terminée par une réconciliation après la tentative de putsch de juillet 2016, la Turquie change d’attitude en Syrie. L’armée turque envahit une partie du nord syrien, c’est l’opération bouclier de l’Euphrate. Début mars 2017, soit plus de cinq ans après le début du conflit, la coalition russo-syrienne est parvenu à couper les voies d’approvisionnement logistique alimentant les bandes armées à partir du sud de la Turquie et particulièrement de Gaziantep qui est devenue la base arrière du djihadisme au Moyen-Orient.
Envois d’armes et formation de combattants
D’autres pays méditerranéens se sont impliqués dans la guerre en Syrie. Le Maroc guerroie depuis quelques années pour le compte des pays du Conseil de Coopération du Golfe (GCC) et se retrouve impliqué militairement dans toutes les coalitions initiées par Riyad. Six chasseurs-bombardiers F16C/D ont donc été placés sous commandement de l’armée émiratie et auraient effectué une vingtaine de raids en Irak et en Syrie. Très discrets sur leurs participation, les Marocains restent traumatisés par la perte d’un de leurs appareils au Yémen.
La Jordanie a aussi connu un traumatisme similaire dans sa guerre aérienne contre l’Organisation Etat Islamique, lorsqu’un de ses pilotes fut brulé vif devant les caméras de propagande de Daech après le crash de son avion près de Raqqa, le 24 décembre 2014. Il ne faut pas oublier que c’est en Jordanie que plusieurs puissances occidentales et du Golfe ont entrainé et équipé 50 000 djihadistes qui ont pris part à la guerre en Syrie.
Enfin, la France demeure un acteur pivot dans la guerre en Syrie. Touchée sur son sol par des groupes terroristes se revendiquant comme proches ou faisant partie de la même mouvance qui domine en Syrie, Paris a pris part à la coalition internationale et a effectuée des centaines de raids aériens sur différentes cibles en Syrie. Le lendemain des attentats de Paris, le président François Hollande avait ordonné l’intensification des frappes. Des Rafales qui avaient décollé du porte avions Charles De Gaule qui mouillait au large de côtes syriennes avaient frappé le fief terroriste de Raqqa, faisant des dizaines de morts.
L’Albanie, l’Italie, l’Espagne ou le Portugal ont également contribué à la guerre en Syrie, essentiellement en envoyant des armes et des conseillers pour former les troupes kurdes.
La mer Méditerranée, zone de transit des troupes
La mer Méditerranée a été l’un des théâtres de la guerre. Sans l’acheminement par voie maritime des troupes et des équipements, jamais la Russie n’aurait pu déployer autant de troupes et peser sur le cours des évènements. Plus de 100 tonnes transitent par le détroit du Bosphore chaque jour. La Méditerranée donne aussi l’occasion à la Russie de déployer pour la première fois de son histoire un groupe aéronaval pour une mission de guerre. L’odyssée du Kusnetsov a eu des résultats plus que mitigés pour Moscou, mais a permis à l’équipage et aux pilotes d’inscrire les premières marques de combat. La base de Tartous en Syrie fait désormais de la Russie un acteur majeur en Méditerranée et encore plus dans la guerre au Moyen-Orient. L’irruption de Moscou dans la guerre, ainsi que son redéploiement stratégique en Libye à travers des accords avec l’Egypte et les forces du général Haftar, préfigurent un accroissement de sa présence militaire et stratégique en Méditerranée.