- Liban. Mémoires fragmentées d’une guerre obsédante. L’anamnèse dans la production culturelle francophone (2000–2015) de Carla Calargé.
Dans cet ouvrage, la chercheuse libanaise, maître de conférence à l’Université de Floride, Carla Calargé fait œuvre d’anamnèse. Un terme important quand il s’agit de mémoire des conflits puisqu’il s’agit du terme opposé à l’amnésie, soit la volonté de retour sur la mémoire du passé vécu et oublié ou refoulé.
Scrutant et étudiant les œuvres de différents artistes, elle retrace la mémoire de la guerre civile au Liban (1975-1990). Carla Calargé révèle aussi les limites du travail de mémoire quand la puissance de ces œuvres se trouve restreinte face aux volontés de reconstruction (et d’oubli) de certains riches industriels libanais.
La chercheuse crée des liens entre passé et présent, contre le vide du traumatisme, mais reconnaît que son travail, et les artistes qu’elle présente, ne parviennent pas à relever un devoir collectif de mémoire. Au Liban, le principal obstacle dans cet enjeu reste l’absence de consensus pour proposer une histoire officielle de la guerre: « Comment la mémoire de la guerre peut-elle s’articuler dans l’œuvre artistico-littéraire si elle ne peut ni contester, ni compléter, ni appuyer aucun récit historique officiel mais qu’elle se déploie dans un vide narratif relatif à la guerre dite civile? », interroge ainsi Carla Calargé.
- Algérie. Le trauma colonial, Une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie, de Karima Lazali.
Lorsque les troubles psychiques de ses patients algériens semblent ne pas correspondre à la théorie, Karima Lazali, psychanalyste, tente de mesurer l’impact de la colonisation française sur la société algérienne.
Au départ de son travail, il y a une question : comment, dans les années 1990, des hommes peuvent-ils faire preuve d’une telle violence qui mène à des massacres de masse ? Au delà des réponses propres aux histoires individuelles, Karima Lazali découvre dans les récits de ses patients des éléments communs. Elle en tire une analyse : celle d’un traumatisme colonial, d’une « hantise de disparaître », qui pousse au silence, exacerbe la peur, crée des censures internes et sociétales.
- Creative Memory for Syria – un site internet pour initier le travail de mémoire sur l’histoire du conflit
Un travail actuel pour le futur. En mai 2013, Sana Yazigi, graphiste syrienne alors exilée au Liban, lance Creative Memory for Syria. Le site internet présente en arabe, en anglais puis en français des productions artistiques faites par des Syriens depuis le début du conflit. Avant les premières manifestations de 2011, la jeune femme travaillait pour un agenda culturel qui couvrait l’actualité de Damas. « Pendant plus de 45 ans, le produit culturel était élitiste et limité à une catégorie de gens. L’expression libre était quasi interdite. Avec le déclenchement de la révolution, on a vu une explosion d’expressions venues du peuple. Une expression libre, simple, représentative. J’étais à la fois émerveillée mais aussi inquiète que cela ne disparaisse un jour », raconte-t-elle.
La création sert à documenter le quotidien. Le site permet de rendre compte à la fois de la réalité et de la créativité. «On ne présente pas, par exemple, une photo réelle d’un baril tombé sur les têtes des gens, mais on a une sculpture où des gens regardent vers le ciel intitulée «en attendant les barils». C’est une réalité créative, une mémoire parallèle», raconte Sana Yazigi. Car l’enjeu est là : créer une mémoire. « Il est nécessaire de faire connaître les circonstances et les valeurs de la Révolution. Nous voulons constituer les archives d’un héritage national immatériel, et le protéger parce qu’il est important pour la mémoire collective et pour rendre au peuple syrien son crédit historique ».
Lire la suite de l’article issu des archives de 15-38 et publié dans le cadre de notre deuxième dossier en 2017 alors que le média vient tout juste d’être créé :