Polars ancrés dans un territoire
Dolores Redondo – Trilogie du Baztan – Folio Policier
Mêlant mythologies, légendes, sorcellerie et intrigue policière, Dolores Redondo entraîne le lecteur dans les pas d’Amaia Salazar. L’inspectrice opiniâtre est rattrapée par son histoire personnelle et le récit gagne en profondeur au-delà du simple polar, par ailleurs très bien mené.
A lire au coin du feu ou sous un plaid en se laissant guider sur les routes du Pays Basque espagnol.
Javier Cercas – Terra Alta – Actes Sud
Terra Alta, comme ce bout de territoire de Catalogne du sud qui inspira l’auteur pour son premier roman policier. Terra Alta comme cadre d’une intrigue sur fond de politique et d’histoire. Un ouvrage en filigrane du premier livre à succès de l’auteur Les Soldats de Salamine, roman enquête sur la guerre civile espagnole. Où l’on accompagne un policier au parcours complexe dans la lignée des inspecteurs solitaires et mus par une histoire personnelle tourmentée.
A lire en vacances pour avoir le temps de plonger dans l’histoire de ce bout de terre.
Lefteris Giannakoudakis – Ombre – éditions Cambourakis
Polar dont l’intrigue se déroule sur fond d’élections législatives et d’émergence du parti d’extrême-droite Aube Dorée. L’enquête qui entraîne son personnage principal loin d’Athènes en Crète, plonge ses racines dans le conflit avec les Turcs à Chypre en 1974. Une bonne dose d’histoire et de Méditerranée loin de la carte postale estivale.
A lire en coupant la radio, pour ne pas trop penser à l’actualité.
Alain Gauthier – L’Homme de Tanger – éditions Riveneuves
Un jeune enseignant français est de retour au Maroc après des années d’absence. A la recherche d’un amour perdu aux identités multiples, l’auteur décrit une ville cosmopolite, internationale dans le Maroc des années 1970. Tanger est en ce sens l’un des principaux personnages de l’ouvrage. La plume est précise et inspirée. Elle est celle du traducteur en français des ouvrages d’Alaa al Aswani, maître de l’intrigue égyptien.
A lire face à la Méditerranée, les yeux mi-clos en imaginant Tanger.
Adlène Meddi – 1994 – Barzakh/Rivages Noirs
Comment passer à l’âge adulte dans une ville où les bombes explosent et où les intellectuels et les policiers se font assassiner ? Nous sommes en 2004. Amin pète les plombs. Il est interné à l’hôpital psychiatrique. Sidali, son ami d’adolescence, revient à Alger pour prendre de ses nouvelles. Là, dans une ville encore très marquée par le terrorisme, le passé ressurgit. Ce polar nous emmène dans les ruelles d’Alger, dans les commissariats, dans les cimetières, là où la vie d’un groupe d’adolescents se prend la violence urbaine en pleine figure, à l’âge où l’on est censé se construire et où il n’y a que destruction tout autour.
A lire dans un jardin ou un parc, où les oiseaux chantent, pour s’éloigner de la violence urbaine racontée par le livre.
True Crime, récits journalistiques
Anais Renevier – L’affaire Alice Crimmins – éditions 10/18 en collaboration avec Society
Un pas de côté, direction New-York, pour présenter le premier livre d’une journaliste bien ancrée en Méditerranée (elle a été correspondante au Liban pendant plusieurs années). Le 14 juillet 1965, les deux enfants d’Alice Crimmins sont portés disparus. L’enquête s’oriente immédiatement sur la mère ; séparée, fêtarde, et dont la vie sexuelle fait beaucoup parler les enquêteurs conservateurs chargés de l’enquête. La journaliste retrace l’affaire, à la recherche de pistes mises de côté à l’époque et dresse le portrait des années 1960 aux États-Unis en laissant planer le doute ; coupable ou non coupable ?
A lire d’une traite, pour ne pas en louper une miette.
Alice Géraud – Sambre, radioscopie d’un fait divers – éditions JC Lattès
Au fil des pages de ce livre enquête de la journaliste indépendante passée par Libération, co-fondatrice du média Les Jours, une question s’impose : comment un homme a-t-il pu agresser sexuellement et violer autant de femmes en suivant le même mode opératoire sur un tout petit territoire, pendant 30 ans, sans se faire arrêter ? Alice Géraud remonte le fil de cette page de l’histoire de la Sambre en donnant la parole aux victimes. Radioscopie de faits divers devenus faits de société qui questionne le fonctionnement de la police et de la justice face aux violences sexuelles en France, des années 1980 jusqu’en 2018, date de son arrestation.
A lire par petits bouts pour ne pas être complètement accablée par la violence des faits relatés et l’inaction des forces de police.
Romans noirs
Anima de Wajdi Mouawad – éditions Babel
Des bêtes racontent la course d’un homme à la recherche de l’assassin de sa femme. L’histoire est une odyssée à travers les États-Unis. L’auteur et homme de théâtre libano-québécois plante un récit symbolique, bestial, dans une écriture à la fois réelle et fabuleuse.
A lire au calme, pour entendre tout l’instinct animal du livre.
Ivan Repila – Le Puits – éditions Denoël
Un coup de cœur, une claque. Condensé sur une centaine de pages, ce huis clos fraternel entraîne le lecteur aux tréfonds de la terre et de l’âme humaine. Enfermé dans le puits, on survit et on respire avec les deux personnages. On a mal, on espère, on divague. Attention, risque de finir la lecture du livre dans la rue, marchant sans pouvoir détacher les yeux des mots de Ivan Repila.
A lire au soleil pour compenser la noirceur du récit.
Yasmina Khadra – Le quatuor Algérien – Folio policier /Gallimard
Ce livre de poche regroupe La part du mort, Morituri, Double blanc et L’automne des chimères, 4 récits écrits par l’auteur algérien dans les années 1990, qui mettent en scène le commissaire Llob, un policier qui veut rester intègre, alors qu’Alger sombre dans le chaos. Ces quatre enquêtes noires, moins connues, tranchent avec le style qui a fait de Yasmina Khadra la star internationale de la littérature francophone aujourd’hui.
A lire lorsque l’on a le temps, pour se laisser happer par les enquêtes.