Naïma, 3 enfants, fait le déplacement en transport tous les jours depuis Aix-en-Provence dans l’espoir d’obtenir un ticket qui lui permettra d’entrer dans l’agence d’Algérie Ferries.
« Certains dorment ici la nuit. Le soir, dès minuit la distribution des tickets pour l’ordre de passage a lieu. Parfois 100, parfois plus », nous confie-t-elle, « J’ai le numéro 117 et je suis là depuis 6 heures du matin ».
Cette année, l’annonce du programme estival a été tardive ; les traversées ont été rendues publiques en mai contre janvier habituellement. L’affluence autour de l’agence a été telle qu’un système de billetterie a dû être mis en place, les premiers arrivés étant les premiers servis. Certains expliquent que ce sont les personnes qui s’organisent entre elles, les vigiles corrigent et affirment que les tickets sont distribués le matin de manière officielle. Dans tous les cas, une fois leur précieux numéro en poche, les gens attendent toute la journée autour des barrières placées devant l’agence par la sécurité engagée expressément pour l’occasion. Certains debout, d’autres assis sur des chaises improvisées. Tout le monde est à fleur de peau, l’attente interminable et la chaleur, n’aident en rien.
Parce qu’effectivement il faut s’armer de patience. Un vigile en est témoin : « On est resté une fois jusqu’à une heure du matin pour essayer de vendre le plus possible de billets ». « Ce sont des humains qui travaillent, ça prend du temps », poursuit-il.
Manque d’information et lignes aériennes présentées tardivement
La désinformation, elle aussi, est au cœur du problème. Chacun sur place fournit des renseignements différents, de sources différentes. Une apparaît tout de même de manière récurrente : le manque de places sur les traversées et l’augmentation considérable des prix cet été.
En 2019, il fallait débourser environ 200 euros par personne sur le trajet Marseille-Alger, un prix souvent évoqué comme raisonnable. En 2022, les prix montent jusqu’à 700 euros par personne allant même jusqu’à dépasser les mille euros avec la compagnie Corsica Linea, selon les témoignages. « Jamais de la vie je ne mettrais 700 euros dans des billets, je préfère les économiser ou les dépenser ailleurs », s’indigne Malika qui comme plusieurs autres personnes ne peut se permettre de débourser une telle somme.
Les lignes aériennes quant à elles ont du mal à reprendre leur cours. La dernière promesse de publication du programme d’été datait du 1er juin 2022 mais elle avait été une nouvelle fois annulée. L’ouverture du programme a finalement eu lieu très tardivement par rapport aux années précédentes, le 7 juin. De plus, les sites internet saturés ne fonctionnent plus obligeant donc les gens à se tourner entièrement vers la réservation en agence. « C’est un manque d’organisation tout ça », se désole un vigile d’une agence de voyages. Face à tous ces blocages, le président algérien a même annoncé au début du mois de juin le limogeage du PDG de la compagnie nationale des navires.
Malgré l’attente, la solidarité
Enfin, l’obtention de passeports valides est devenue une démarche tout aussi fastidieuse. Comptez environ 3 à 4 semaines pour l’obtention d’un simple rendez-vous au consulat d’Algérie. Ajoutez à cela un délai d’1 mois avant de recevoir votre passeport. La plupart des personnes souhaitant voyager ayant repoussé leurs démarches pendant la période la pandémie, les demandes s’amoncellent aujourd’hui.
Malgré toutes ces raisons et les conditions pour lesquelles ils sont rassemblés, une solidarité anime le cœur des franco-algériens qui se retrouvent tous dans le même navire. Chacun fait la conversation à l’autre, chacun fait preuve de fraternité et chacun tente d’apporter son aide à qui la demande. Le peu d’information possédée est partagé sans avarie jusqu’à l’obtention du sésame.
Camilla Khabet – élève du collège Saint-Joseph-Les-Maristes en stage à la rédaction début juin 2022
Photo : Leïla Beratto. Légende : A bord d’un navire d’Algérie Ferries – décembre 2021