Des images d’enfants en blouse, cartable sur le dos, entrant dans leur classe. Dans les journaux télévisés de nos pays méditerranéens, ces images ont illustré le mois de septembre et les rentrées scolaires. L’éducation est un domaine géré par l’État. Nombreux sont les pays qui défendent une école pour tous. Les taux d’alphabétisation dans la région ont atteint des niveaux inédits (67% au Maroc, 72% en Algérie, 73% en Égypte, 90% au Liban, 94% en Turquie, 95% au Portugal).
Mais derrière ces chiffres, partout en Méditerranée, les États se désengagent de l’éducation et les systèmes éducatifs finissent par imposer une inégalité basée sur les ressources financières des familles. Au Maroc, en Algérie, au Liban, l’école publique, étendard des hommes politiques, est critiquée et seuls les parents qui ont les moyens choisissent d’inscrire leurs enfants dans les établissements privés voir étrangers. Sous couvert d’accessibilité, on oublie ce qui fait l’école : des enseignants formés, des locaux chauffés, des possibilités de transport et des programmes solides et modernes. Ce sont ces facteurs qui favorisent, de fait, les inégalités entre les enfants.
Car l’éducation, ce n’est pas seulement l’école mais un écosystème qui permet aux enfants d’avoir accès à la connaissance. Cet écosystème est lui aussi fragilisé aujourd’hui. En France, l’accompagnement des enfants en situation de handicap, comme les enfants autistes, est systématiquement organisé sous forme d’emplois précaires. Les nouvelles priorités budgétaires du président Emmanuel Macron veulent supprimer ces emplois, sans proposer de solution alternative, notamment aux associations qui dans certains cas sont en charge de missions éducatives. En Espagne, les dernières réformes empêchent l’accès à un emploi stable aux jeunes professeurs, ce qui les précarise.
Certains restent malgré tout à l’écart de l’école. Les oubliés de l’éducation sont souvent des étrangers : des Syriens au Liban, des Libériens en Algérie, des Palestiniens en Territoires occupés, des Roms en France. Dans la région de la Bekka, il faut souvent travailler plutôt qu’étudier, à Alger, il faut batailler avec les directeurs d’école pour faire respecter la loi, à Jib al-Dhib, il faut reconstruire les murs, détruits par l’armée israélienne, à Marseille, il faut jongler avec les expulsions.
Dans les écoles, comme dans le milieu associatif, les budgets et les subventions se font rares, le champ libre est laissé aux entreprises privées et la notion de service public pour l’éducation est malmenée. La privatisation de l’éducation aura pour conséquence de séparer ceux qui ont les moyens de ceux qui ne les ont pas, à l’école comme dans le reste du quotidien.