EDITO “L’Histoire nous a prouvé que l’on ne pouvait pas faire face à ce genre de menace seul”. Sur une estrade à Washington, cette phrase est prononcée par Kim Cragin, chercheure à l’Université Nationale de Défense américaine. La réunion porte sur le Maghreb mais les intervenants soulignent la globalité de la menace.
En Méditerranée, de nombreux pays sont concernés. De la décennie noire algérienne, aux attentats plus récents en France, en Tunisie et en Égypte, en passant par les attaques de « l’organisation de l’état islamique » en Syrie et en Libye, les sociétés méditerranéennes sont face à une menace similaire, même si elle atteint les territoires sous des formes et dans des ampleurs différentes.
Aujourd’hui, les États de la région doivent gérer la menace des “revenants”, ces combattants partis de leurs pays de naissance pour aller combattre en Syrie ou en Irak dans les rangs de « l’organisation de l’état islamique ».
Face à une surenchère de la violence et aux tensions qui s’accumulent entre les citoyens, les sociétés redéfinissent peu à peu leur conception du droit et de la sécurité. Qui sont-ils “eux” qui nous tuent ? Qui est cet autre qui me menace ? Pourquoi suis-je menacé ? Suis-je une menace pour eux ? Pour les psychiatres français que nous avons rencontrés, les hommes politiques ont tendance à psychiatriser des actes qui ne sont en rien folie. Est-ce plus facile de l’expliquer ainsi ? Dire d’un homme qu’il est fou est en effet plus simple que de chercher les raisons de son embrigadement. Pour Manuel Valls, « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », nous pensons au contraire qu’il est nécessaire de comprendre pour apprendre et décider.
Si le terroriste est conscient de ses actes, comment vivre ensemble sans stigmatiser une partie de la population ? En France, les musulmans sont régulièrement appelés soit à réagir, soit à se taire, la parole publique créant de ce fait un lien trouble entre Islam et terrorisme.
Partout en Méditerranée, la terreur rentre dans la conscience collective des hommes et des femmes qui doivent aujourd’hui, vivre avec le souvenir ou la peur d’attaques et de violences. Comme l’indique avec humour la dessinatrice tunisienne, Willis from Tunis, ils sont là, nous devons nous y habituer.
S’habituer n’atténue pas l’emprise sur nous, sur notre quotidien. En Algérie, Adlène Meddi plante le décor de ce quotidien de terreur dans son roman “1994”. Ces histoires à hauteur d’homme trouvent peu de place dans l’histoire officielle et se transmettent aussi grâce à la littérature.
A travers la perception du terrorisme par les sociétés méditerranéennes, ce dossier permet d’ouvrir une réflexion sur les causes de ces actes et questionne la capacité d’adaptabilité de nos sociétés, dans lesquels les États ont une lourde responsabilité.
Dessin de une signé Willis from Tunis
C’est lors du dernier discours de Ben Ali, le 13 janvier 2011, que naît le personnage de Willis from Tunis. Le dictateur aujourd’hui déchu vient d’annoncer la fin de la censure en Tunisie. Ce qui n’est au départ qu’un moyen pour sa créatrice, Nadia Khiari, de partager sur Facebook son ressenti sur la révolution de jasmin devient vite phénomène : le nombre de personnes qui suivent assidûment les chroniques grinçantes du matou Willis explose, passant de 20 à plus de 49 000 aujourd’hui.
Enseignante en arts plastiques, peintre, dessinatrice, Nadia Khiari est l’auteur de plusieurs recueils de chroniques sur la révolution et publie ses dessins dans Siné Mensuel, Courrier International, Zelium.