Portrait critique d’une société gangrénée par l’autoritarisme et la corruption, le 4ème long métrage du réalisateur turc, Emi Alper, a été ovationné dans plusieurs festivals après sa présentation à Cannes en mai 2022. Burning days a depuis reçu presque 20 récompenses nationales comme internationales. Un succès qui ne reflète pas les réactions des médias pro-gouvernementaux en Turquie.
En cause, notamment, la relation homosexuelle suggérée entre les deux personnages principaux. Une relation qui ne plait pas aux plus conservateurs dans le pays dans la lignée d’un gouvernement turc qui promeut régulièrement un modèle de famille traditionnel. La veille de la sortie du film en décembre 2022, le ministère de la Culture lui demande de rembourser les aides publiques reçues pour produire le film. Le réalisateur lance un appel sur les réseaux sociaux incitant le public à aller voir le film afin de l’aider à rembourser les sommes demandées. Il reçoit le soutien d’autres cinéastes.
Et ça marche : 51 000 entrées en une journée. Des réactions que le réalisateur compare à un mouvement de protestation populaire et qui s’inscrit dans un contexte de mobilisation sur les questions de discriminations liées au genre et à la sexualité.
En 2021, le président Erdogan annonce que le pays sort de la Convention d’Istanbul signée 10 ans plus tôt. « La Convention d’Istanbul a mis en place des critères élevés de défense des droits des femmes mais aussi des personnes LGBT, des enfants, etc. Cette décision c’est aussi dire aux femmes de retourner à la maison. La crise sanitaire et économique est passée par là. Pour que les hommes trouvent un emploi, on demande aux femmes de reprendre les travaux domestiques. L’autre raison tient de la tendance conservatrice du gouvernement et de ses partisans qui pensent que les hommes et les femmes ne sont pas égaux », explique Yasemin Oz dans un entretien réalisé dans le cadre du 4ème numéro de la revue de 15-38, Une Année en Méditerranée.
« Aujourd’hui, on essaye avant tout de protéger nos droits, plutôt que d’en gagner de nouveaux. Si nous n’arrivons pas à faire bouger le gouvernement, nous essaierons de faire changer les mentalités, nous agirons sur l’éducation. Parfois la législation précède la société, parfois, la société avance plus vite que la législation. »
Le film d’Emin Alper s’ouvre sur un gouffre dans le désert d’Anatolie dont est originaire le réalisateur, métaphore de la corruption qui ronge son pays et de la force du cinéma pour convoquer des thématiques au cœur des sociétés, et faire changer les mentalités.