Au marché de Cadenet, un village en quête de sa place dans les médias

Mis à jour le 14/12/2024 | Publié le 10/12/2024
À Cadenet, entre clémentines et paella, la Caravane des médias s’est installée pour écouter les habitant·es du Luberon. Regrets de la disparition de la presse locale, critiques des médias nationaux ou espoir de voir leur région mieux représentée, leurs témoignages reflètent une soif de reconquête médiatique.

La Caravane des médias, projet d’éducation populaire aux médias itinérant arrive dans le Luberon !  Elle démarre son périple à Cadenet, bourgade de 4 300 âmes. En retard sur les autres commerçants, nous devons manœuvrer la caravane jusqu’à son emplacement. Didier, traiteur de paella et choucroute, laisse tomber sa spatule pour venir nous prêter main-forte. L’objectif de notre voyage, aller au contact des gens, écouter leurs histoires et leurs récits, et comprendre leur rapport aux médias. Car si le Luberon est un paysage de cartes postales et regorge d’histoires de patrimoine, on a envie de savoir si les habitant·es trouvent que les journalistes en parlent correctement. 

Emma, comédienne et professeure de théâtre de 32 ans, est la première personne à s’approcher de la caravane. Arrivée il y a quatre ans, elle déplore que le Luberon soit systématiquement associé au tourisme de luxe. « On parle du Lubéron et de ses paysages, mais jamais des problématiques sociales du coin », regrette-t-elle. Cette perception, partagée par plusieurs interlocuteurs, révèle une fracture entre la complexité de leur territoire et son image médiatique standardisée. 

Une presse locale en recul

Pour Michel, 79 ans, ancien des services des eaux dont 60 passés ici, l’absence de couverture médiatique locale est flagrante. « Avant, on avait trois correspondants de La Provence à Cadenet. Maintenant, on ne sait plus rien de ce qui se passe », explique-t-il, frustré de ne pas avoir été informé de la Sainte-Barbe des pompiers, une tradition pourtant bien ancrée dans la vie du village. Ce recul de la presse locale, souvent lié à des contraintes économiques, alimente le sentiment d’abandon médiatique.

Jean-François, ancien journaliste sportif de 71 ans, partage ce constat. « On se contente de quelques lignes sur les lotos ou les salons de tout et de rien. C’est rare qu’il y ait un article de fond sur un village » Il s’agace de l’absence d’analyses et de récits sur la vie quotidienne des habitant·es.

Anne, photographe de 54 ans, s’inquiète du manque de visibilité des événements culturels dans la région. « Le festival d’art de rue Le Grand Ménage de Printemps à Cucuron, par exemple, ne bénéficie pas d’un réel relais médiatique », affirme-t-elle. Même l’Office du tourisme se montre frileux à promouvoir ces initiatives, au profit des peu originales dégustations de vins dans les lavandes et des couchers de soleil.

Des médias nationaux omniprésents, mais éloignés

On nous a aussi parlé des médias nationaux. Pour Franck, retraité habitué de CNews, l’information est saturée par des thématiques comme le chômage. De son côté, Elena, 30 ans, vendeuse de panisses, privilégie les réseaux sociaux pour s’informer. Elle s’inquiète de  la montée de l’obscurantisme. « Les gens s’informent n’importe comment et sont fâchés sans savoir pourquoi », analyse-t-elle.

Eve, agricultrice de 53 ans, critique la superficialité des débats télévisés : « Les journalistes jouent au punching-ball au lieu d’approfondir les sujets. » Son regard, forgé par des années de militantisme à la Confédération paysanne, dénonce un traitement inégal des problématiques agricoles. Les syndicats alternatifs, par exemple, sont selon elle souvent ignorés au profit de la FNSEA.

Une information marquante sur la ville ? En septembre 2023, le château de Cadenet, joyau historique perché au-dessus du village, a fait parler de lui grâce à sa sélection par le Loto du Patrimoine. Ce programme, qui soutient la restauration des sites en péril, a permis de lancer des travaux pour sécuriser le lieu… et a donc fait parler de la ville. 

Les témoignages des habitant·es de Cadenet mettent en lumière des attentes fortes : une meilleure couverture locale, des récits plus ancrés dans la réalité quotidienne, et une représentation plus nuancée du Luberon. Toute la semaine, la Caravane des médias espère ouvrir des pistes pour réinventer le lien entre les habitants et l’information. 

Sophie Bourlet, Timothée Vinchon et Martin Gallone