Avant la date du 12 décembre 2019, je décide de retourner en plein cœur de la diaspora algérienne de Marseille. Le pays est dans toutes les têtes et la peur s’invite dans les esprits. A la question allez-vous voter ? Les réponses sont ambivalentes, je crois que très peu de personnes louent une confiance aux candidats du système de l’institution militaire représentée par le Général Gaïd Salah.
Cette date du 12 décembre réveille les colères et les frustrations enfouies dans la mémoire des Algériens et des binationaux de Marseille. Parmi ces ressentiments « le système algérien » figure en tête mais en corollaire de ce rejet du système, la France revient sans cesse. Pour les personnes interviewées, l’indépendance de l’Algérie n’a jamais pu se faire car économiquement les Français seraient la garantie de la continuation du système prébendier algérien.
Certains sont aussi désabusés par le comportement général qui règne en Algérie. Le système étant basé sur la corruption, la population aurait pris cette habitude corruptive dans leur relation avec le système économique, politique, familial. Dans cette situation, élection ou pas, rien ne changera pour eux. Ils s’estiment à la marge des manifestations et n’attendent plus rien, ni des Algériens, ni de l’Algérie.
D’autres encore sont dans une relation duale avec les institutions. D’après eux, il faut aller voter car c’est un droit. En même temps, il faut continuer à manifester pour maintenir la pression de la population sur le pouvoir. Ils ont peur du retour de la décennie noire, conscients qu’ils sont des capacités de nuisances d’un pouvoir acculé qui ne veut pas perdre le contrôle du détournement financier des richesses du pays.
Cette déambulation dans la communauté algérienne du centre-ville de Marseille via Noailles, le cours Belsunce, la rue des Dominicaines,… m’a permis de comprendre le sentiment d’impasse institutionnelle dans lequel se trouvent les Algériens de Marseille. Pour eux, la porte de la liberté semble mince et encore lointaine. Quant au bâton de la répression, il rode dans leurs mémoires telle une épée de Damoclès. L’impasse, c’est ce sentiment de retourner dans un traquenard législatif dont ils connaissent tous les mécanismes. Pour ainsi dire, les candidats aux élections ne trouvent aucune légitimité aux yeux de la diaspora. L’espoir est muselé par une force d’inertie pesante.
Alors que les rues défilent en captant le ressenti de la diaspora algérienne, un groupe de jeunes Haragas réclame l’enregistrement de leur sentiment fasse à l’impasse électorale que leur propose le pouvoir prébendier algérien. Pour les jeunes Haragas de Marseille, la haine du système est encore plus expressive tant ils sont dans une double impasse de rejet. Rejetés par l’incurie d’un régime crapuleux, ils sont contraints de partir au péril de leur vie. Lorsqu’ils arrivent en France, ils ne trouvent ni une stabilité, ni une situation économique meilleure qu’en Algérie. Selon eux, ils sont nés et éduqués dans l’impasse que leur offre le système algérien.
Dans ces conditions, ils font sécession avec tout ce qui représente de près ou de loin une organisation institutionnelle émanant d’un pouvoir qui selon eux est véreux et autoritaire. Il n’ont pas de carte d’électeur et ne comptent pas en demander une. Pour cette population radicalement opposée au pouvoir, cette élection présidentielle ne sert strictement à rien. Ils prônent la poursuite des manifestations jusqu’à ce que le pouvoir algérien cède.
Diaspora algérienne