Suite à un long processus de réflexion et d’écriture entre délogés et professionnels réunis en assemblée et des mois de négociations avec la mairie, la charte du relogement des personnes évacuées a été votée à l’unanimité en conseil municipal, lundi 17 juin 2019. Une étape de plus franchie par le Collectif du 5 novembre : Noailles en colère pour faire reconnaître les droits des quelques 3000 personnes délogées depuis l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018.
Il est 8h30 quand le conseil municipal commence alors qu’une cinquantaine de personnes réparties en quatre collectifs distincts manifestent dans une ambiance paisible devant l’hôtel de ville. Parmi eux, des membres du Collectif du 5 novembre venus assister à la votation de la charte du relogement après plusieurs mois de négociation. Derrière cette charte, des centaines de locataires ou propriétaires occupants vivant dans la précarité. Ils sont nombreux à avoir été logés dans des chambres d’hôtel, loin du centre-ville où ils habitaient, sans cuisine pour préparer les repas. Ils sont nombreux à avoir reçu des propositions de relogement inadaptées ou à avoir réintégré leur appartement toujours insalubre. Cette charte est une réponse à ces situations et elle a pour but de conduire la mairie à respecter le droit au logement digne face à différents manquements dénoncés par les délogés aujourd’hui à bout de souffle. Produite par et pour les citoyens, elle couvre cinq grands principes : « la mise en œuvre des pouvoirs de polices générales et spéciales du maire et/ou du préfet pour les situations d’habitat dangereux, menaçant ruine ou insalubre », « la mise en œuvre de la prise en charge des personnes évacuées », « les conditions d’un relogement : retour dans le logement d’origine ou dans un nouveau logement », « les cas dits « spécifiques » » et enfin « la gouvernance et la mise en œuvre ».
Kévin Vacher est membre du collectif et a participé à l’écriture et aux négociations. Il nous explique : « Cette proposition soumise par le collectif en décembre permet d’encadrer une situation exceptionnelle des dispositions pour protéger les gens immédiatement. Elle a été construite avec l’Assemblée des délogés, ce qui montre que ces problématiques assez techniques peuvent être prises à bras le corps par les citoyens », déclare-t-il. « C’est une production purement citoyenne, suivie d’une négociation avec la collectivité, pas une co-production ». Des négociations favorables pour le collectif qui conserve presque l’entièreté de la charte proposée. En effet, le cas des propriétaires occupants a été acquis alors que la Mairie y était défavorable : d’après la charte, ceux « dont le taux d’effort (crédit en cours + hébergement + charges diverses) au moment de l’évacuation dépasse les 30% seront pris en charge au même titre que les locataires ». Un texte qui n’a pourtant pas séduit la métropole, auquel elle n’apposera donc aucune signature. Sur ce sujet, Kévin exprime ses regrets car, la métropole signataire, les délogés auraient sûrement profité d’une extension des aides et d’une priorité sur les logements qu’elle compte acquérir. Le point qui manque pour lui, c’est celui des moyens financiers et humains alloués à la mise en pratique de la charte : « ce n’est pas une victoire, juste une étape franchie. Maintenant, il faut les obliger à l’appliquer ».
Quels moyens alloués pour la mise en pratique de la charte du relogement ? C’est justement la question qu’avait posée lundi Jean-Marc Coppola, conseiller municipal Front de Gauche. Une question restée jusqu’alors sans réponse. Il assure toutefois qu’il adressera une lettre au maire pour obtenir un éclairage sur ce point : « Par écrit, ce sera plus difficile pour lui de se défiler » confie-t-il. La ville indique que la stratégie municipale s’organisera autour d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) : les immeubles effondrés feront l’objet d’une réappropriation publique et la destruction d’environ 150 immeubles est envisagée, le coût d’une destruction/reconstruction étant équivalent à une rénovation. « Le plan est intéressant mais il est important que les habitants puissent rester dans leur quartier éviter qu’il se reconstruise socialement, comme avec Euroméditerranée » poursuit l’élu. Il précise aussi que « la charte n’est qu’un rappel des droits et des lois », elle n’est pas un projet politique en soi puisque la prévention et la lutte contre le mal-logement n’en fait pas partie. « Il y a aussi le problème des loyers très élevés, des familles nombreuses 40 000 logements sociaux manquants à Marseille ». Sur ce point, il estime que la signature de la métropole aurait permis d’aller plus loin en matière de logement indigne. Cependant, Jean-Marc Coppola finit sur une note positive : « Je n’enlève pas les responsabilités de l’État, mais depuis le 5 novembre, ils jouent le jeu. La charte est une avancée, les associations restent incluses elles ne lâchent pas le morceau ».
Thomas est animateur media chez Télé Mouche. Délogé depuis février dernier, il fait partie des personnes concernées par la charte. Son immeuble se situe en face d’un bâtiment en péril. Ses affaires lui sont toujours inaccessibles. Depuis lors, il vit dans un hôtel aux frais de la mairie. Une petite chambre, sans cuisine. Il bénéficie cependant de tickets restaurant d’une valeur de sept euros par jour. Thomas attend depuis quatre mois les travaux de l’immeuble d’en face qui devraient bientôt commencer pour une durée de deux semaines seulement. Le propriétaire n’avait pas les moyens de s’en charger plus tôt, la mairie aurait pu avancer les frais. Avec la charte du relogement à laquelle il a participé dans l’écriture, la mairie est désormais dans l’obligation de le faire. Une charte qui arrive trop tard pour l’aider dans sa situation. « La charte est un code de conduite mais ça n’apporte pas de nouveaux droits. oblige les élus à prendre leurs responsabilités », déclare-t-il. « Cela a permis de structurer une belle solidarité, de tisser des liens, de parler avec les voisins ».
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