Né à Bayonne en 2013, le mouvement Alternatiba a fédéré en quelques mois des milliers de jeunes autour de la question climatique. Constitué en village des alternatives, le projet a essaimé dans plus de 113 villages en France. Il a donné naissance à 150 collectifs, dans le pays et à l’étranger, où les citoyens se sont emparés de la question climatique et ont émis des propositions. A Marseille, un groupe de 20 personnes et des associations sur le terrain travaillent de concert pour soumettre des alternatives à la Métropole Aix-Marseille-Provence dans le cadre du plan climat.
Il est 9 heures ce 28 février au parc du Pharo à Marseille, quand des dizaines de jeunes engagés dans les collectifs Alternatives territoriales, Alternatiba, Action non-violente COP21, Vélos en ville, Vélo sapiens, Aliment, Greenpeace, France Nature Environnement et Attac viennent accueillir les 240 élus de la Métropole Aix-Marseille-Provence devant le conseil métropolitain. Le conseil doit définir ce jour-là les engagements de la métropole sur le plan climat. Le plan devait être voté le 28 mars 2019, il a finalement été repoussé à fin mai.
Les raisons sont simples, la Métropole est tellement en retard sur les questions environnementales et les élus si peu concernés, que repartir de zéro est digne d’un travail de Titan. Mais fort heureusement, ils ne seront pas seuls dans l’aventure, ces militants citoyens établissent des liens avec les élus afin de construire ensemble un plan en partant des travaux de recherche et des constats recueillis par ces militants soucieux de notre avenir. « Nous avons remis aux élus 300 propositions en lien avec les préoccupations de nombreux acteurs. Elles sont primordiales afin de faire reculer les niveaux de pollution sur le territoire. Nous aimerions qu’elles soient intégrées au plan climat et que chaque citoyen puisse se les approprier et les porter devant les élus », confie Julie, engagée aux côtés d’Alternatives Territoriales depuis septembre 2018 par volonté d’agir. « Le Plan Climat n’a pas de mesures contraignantes pour les élus qui en ont la charge, comme les accords de Paris qui au final n’aboutissent pas sur des décisions. On ne peut pas se satisfaire de cela et on doit exiger un document ambitieux et le droit de pouvoir veiller au respect des engagements qui seront pris », complète la jeune femme de 33 ans qui travaille dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Les parties prenantes à cette mobilisation citoyenne constituent ainsi un plaidoyer auprès des techniciens et des élus pour avancer en ce sens et gagner en crédibilité.
Si les maires des communes sont aujourd’hui de plus en plus sensibles aux questions climatiques et aux moyens à mettre en œuvre, c’est la Métropole qui détient le monopole des décisions. Les citoyens n’ont donc pas d’autre choix que de toucher directement l’institution intercommunale en essayant d’inclure tous les habitants. « Aujourd’hui, l’enjeu est de rassembler et de fédérer les citoyens au niveau local. Quand cela touche directement le quotidien des gens, on n’a pas de mal à les réunir autour d’une cause. C’est là-dessus que l’on doit travailler », analyse Charlène. Membre bénévole très active au sein d’Alternatives Territoriales, cette trentenaire est ingénieure informatique. « Cette rencontre avec Alternatives Territoriales m’a permis de me réconcilier avec Marseille et de me relocaliser. Je pense que les actions individuelles sont utiles mais limitées et que le poids se trouve en politique. Donc je me suis dit, soit je me présente aux municipales, soit je m’engage dans une action collective », explique-t-elle. Depuis le début de son engagement, elle travaille sans relâche en plus de son temps travail, afin d’avancer sur les propositions à soumettre aux élus métropolitains et à organiser les différentes mobilisations qui en découlent.
« 3 000 km de transports en commun à Lyon, un peu plus de 1 000 à Marseille »
Au cœur des 300 propositions, la mobilité. Les deux jeunes femmes soupirent face au dernier coup de communication des responsables métropolitains : « Ils ont repeint les bus existants aux couleurs de la Métropole pour montrer leur présence, mais rien n’a changé. Les bus sont les mêmes qu’avant. Plus de 33 % des émissions de CO2 proviennent du trafic routier, il est temps d’aménager le ferroviaire et de le rendre accessible à tous », préconisent-elles.
« Tout est lié à la mobilité en définitive. Il faudrait du chemin de fer partout car le territoire est vaste, et ne plus dépendre du fossile. Un problème systémique dramatique ici car on s’est dit qu’on pouvait dépendre du pétrole donc tout est éloigné des habitants, comme les zones commerciales. La dépendance au gazole est énorme. Le mouvement des Gilets jaunes le montre : dès qu’on veut augmenter le prix du carburant, cela pose problème. Il faudrait relocaliser la production, le travail, la nourriture, l’agriculture et éviter l’étalement urbain », poursuit Charlène.
Le territoire marseillais recouvre de grandes inégalités, seul le centre ville est desservi par les métros et tramways qui avancent timidement jusqu’aux débuts des quartiers nord et sud de la ville, desservis principalement par un réseau de bus dont l’efficacité laisse parfois à désirer. Inégalités que l’on retrouve dans le tri des déchets et le ramassage des ordures partiellement effectués plus on s’éloigne du centre ville. Il faut parfois parcourir plusieurs centaines de mètres pour trouver les bacs de tri.
« On ne peut pas dire à des gens que c’est à eux de faire des efforts via des éco-gestes en leur disant tu vas sauver la planète quand le minimum n’est pas assuré par les services publics, et en l’occurrence les services métropolitains ne sont pas à la hauteur », poursuit Julie « C’est bien d’organiser des ramassages de déchets mais l’objectif c’est qu’on n’en produise plus et que la Métropole encourage cela. On veut donc toucher globalement mais à l’échelle locale car aujourd’hui, un grand nombre de questions sont liées au climat ». A ce stade de la mobilisation, les priorités sont multiples. Mais aujourd’hui, il est question pour les jeunes d’Alternatives Territoriales d’avancer avec les élus afin de pouvoir créer un comité de suivi constitué de citoyens autorisés à suivre les engagements pris lors du vote du Plan Climat. Jusqu’ici, seule une consultation publique à destination des citoyens est en principe prévue par la loi française et est obligatoire mais elle est utilisée a minima. « Les gens sont prêts à faire ce pas de plus et au final si les élus voient que la société civile a mis dans ses priorités les enjeux climatiques, cela ira dans le bon sens et les élus qui en sont responsables devront agir », conclut Charlène. Ce mouvement intergénérationnel réunit en effet une diversité de personnes bénévoles engagées et originaires de différentes municipalités. Il est ancré dans le territoire grâce aux associations présentes depuis de nombreuses années qui représentent « un réseau extraordinaire qui dépasse Marseille et une variété de points de vue » (Collectif Climat Pays d’Aix, Ecopole énergie…). Les jeunes engagés comptent bien fédérer encore de nombreux habitants et citoyens sans qui rien ne sera possible.
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