Syrie, bientôt sept années de guerre, une couverture médiatique très limitée, réduite à commenter seulement les grandes batailles et l’aspect géopolitique du conflit. Mais à l’intérieur, ce qui fait encore battre le cœur de la Syrie, ce sont les Syriens qui sont environ 17 millions. Selon les régions, ils vivent difficilement et survivent pour ceux qui font face aux sièges, aux pertes et aux destructions quotidiennes. Le livre SOURYA (que vous pouvez commander ici) leur rend hommage. 27 Syriens et Syriennes devenus photographes indépendants, ont travaillé durant ces six dernières années à rendre compte de la vie des civils. Ils nous dévoilent aujourd’hui leurs clichés dans ce livre, véritable travail de mémoire. Des images qui en disent long sur ce que vivent et peuvent vivre les civils qui subissent les nombreux conflits de ce monde.
Soutenus par l’association syrienne des médias libres, ASML/Syria et par l’agence de presse indépendante syrienne SMART News Agency, ils ont été formés et équipés à l’intérieur du pays. La journaliste et écrivaine syrienne Samar Yazbek en exil depuis 2011, et auteure de l’ouvrage « Les portes du néant », a rédigé la préface de SOURYA avec cette envie de transmettre la réalité du terrain. En voici un extrait :
« L’ouvrage Sourya propose une vision humaine des Syriens à travers un angle inédit, en traitant les aspects de leur vie, de leur humanité, de leur nature. De la souffrance, le livre montre les symboles ; de la douleur, les contours. Il présente les gens comme des enfants de leur environnement, mais ne se contente pas de cela. Au fil des images, le livre donne à voir la vie de personnes au cœur de la guerre.Les photos consacrées à la révolution et à la guerre décrivent les conditions dans lesquelles combattent des bataillons militaires. Jamais cependant, ces hommes ne sont présentés comme de forts héroïques guerriers, ni comme des terroristes, ni comme des révolutionnaires. Ils sont présentés à hauteur d’homme, et l’on voit leur fatigue, leur peur, leur inquiétude, leur travail, leurs mouvements quotidiens. Ils sont des enfants de la vie, faibles et apeurés.
Ensuite nous parviennent les visages des hommes, les yeux tournés vers le ciel, attendant la chute des obus. C’est là le trait principal qui unit les Syriens des régions désertées par al-Assad. Le plus remarquable parmi ces images est l’évidente solidarité des gens pour se sauver mutuellement. La situation diffère avec les photos consacrées au déplacement, qui nous mettent face à l’assujettissement de l’homme. Tous ces gens qui quittent leur terre, leur maison, ces enfants, ces femmes, ces vieillards qui prennent la route pour l’inconnu, les camps, le désert.Les photographies de Sourya composent une étonnante mosaïque sur la nature de la résistance à poursuivre la vie, quand il n’y a ni eau, ni électricité, ni carburant, ni voiture et que les bombardements sont incessants. C’est là que la force de la vie élève l’image de la victime et en fait une incarnation de la résistance pour rester vivant. En vérité, cela n’a pas d’équivalent avec l’image des Syriens dans leur guerre tragique que véhiculent les médias, et c’est sans doute ce qui distingue ces photos. »
Question du journaliste de l’agence SMART News : Pouvez-vous vous présenter ?
Radwan al-Homsi : Je suis photo-journaliste. Je travaille dans le nord de la Syrie. Mon expérience a commencé avec le début des mouvements révolutionnaires contre le régime Assad. C’est une expérience de 6 ans uniquement.
Journaliste : Comment êtes-vous devenu photo-journaliste ?
Radwan al-Homsi : J’ai commencé dès que les mouvements civils révolutionnaires contre al-Assad ont commencé en tant que cameraman, avec des agences de news et aussi en tant que photographe pour ces agences.
Journaliste : Avez-vous peur à cause de ce travail ?
Radwan al-Homsi : Le danger est permanent parce que nous condamnons le régime pour ses crimes contre la révolution populaire qui s’est formée contre lui.
Journaliste : Quels sont les dangers quotidiens auxquels vous faites face ?
Radwan al-Homsi : Honnêtement, les dangers sont là à cause des bombardements et à cause des menaces du régime de nous tuer ou de nous faire kidnapper, soit par lui soit par les milices qui sont restées dans les zones libérées.
Journaliste : Les menaces sont-elles directes ? Qui vous menace ?
Radwan al-Homsi : La révolution a commencé il y a 6 ans. Chaque mot contre n’importe quelle brigade, même si tu dis la vérité, te met en danger. Quand vous dites la vérité d’une manière continue alors vous êtes en danger. Et surtout maintenant où nous sommes dans une période où la situation est relativement calme au niveau des bombardements, alors à n’importe quel moment vous pouvez être tué ou kidnappé.
Journaliste : Avez-vous été blessé durant vos reportages ?
Radwan al-Homsi : J’ai été blessé plusieurs fois, à Homs, dans les zones côtières et à Idlib. La dernière était la plus dangereuse. C’était pendant l’attaque contre le « camp mastoumi » où je filmais avec une brigade de l’opposition. J’ai pris une balle dans le genoux et à cause de ça j’ai eu des nerfs coupés et je me suis fait soigner.
Journaliste : Pouvez-vous nous décrire ce moment ?
Radwan al-Homsi : C’est quelque chose, comment puis-je dire… c’est très triste. A cause de ça je me suis fait transférer en Turquie où j’ai été soigné pendant un an et demi. J’ai passé une année en Turquie pendant laquelle j’allais et venais de la Turquie à la Syrie pour être soigné. A cause de cet incident, j’ai développée une maladie très grave, et maintenant je suis dans une période de soin continue qui n’est pas encore terminée.
Journaliste : Quelle est votre situation médicale ?
Radwan al-Homsi : J’espère (inshalla) le bien. J’ai beaucoup d’espoir. Il me reste une seule opération, bientôt.
Journaliste : Je l’espère aussi pour vous. Connaissez-vous des journalistes qui ont été tués ?
Radwan al-Homsi : Oui, j’ai mentionné leurs noms dans les médias.
Journaliste : Pourquoi continuez-vous à faire ce travail dangereux ?
Radwan al-Homsi : Pour transmettre le message de la souffrance de notre peuple… les crimes et la tyrannie du régime al-Assad et ceux qui sont de son coté quand ils tuent les innocents dans leurs lieux de vie.
Journaliste : Que voulez-vous montrer quand vous prenez une photo ?
Radwan al-Homsi : Je veux délivrer un message à tout le monde : que nous sommes un peuple qui est sorti dans la rue contre ce régime, ce régime Assad… honnêtement les pays qui sont ses alliés sont aussi coupables dans ces crimes contre le peuple syrien… la Russie et autre… une de mes images montre des raids aériens russes.
Journaliste : Qu’espérez-vous avec cette photo ?
Radwan al-Homsi : Condamner les crimes du régime et de ceux qui sont de son coté… et cela concerne tous les pays.
Radwan el-Homsi est né à Homs en 1990. Comme beaucoup, Radwan n’était pas prédestiné aux reportages de terrain : il avait commencé des études de premier cycle en éducation physique avant le début de la guerre qui l’oblige à repenser ses projets. Radwan a collaboré pendant cinq ans avec Sham News Network et SMART News Agency. Il est maintenant basé à Idlib, où il continue à produire du contenu qui aide à mieux cerner les réalités du quotidien de la guerre. Deux de ses clichés ont été publiés dans le livre SOURYA.
La Défense Civile Syrienne créée en 2013 est constituée de 3000 volontaires qui sont les premiers à intervenir après une attaque, portant secours et offrant les premiers soins aux victimes.
De jeunes hommes organisent des voyages annuels pour chasser dans les lacs et les réserves naturelles, comme une échappatoire aux difficultés de la guerre.
Les deux photos ci-après ont été prises par la photographe syrienne Judi Kaya qui présente des clichés sur le travail des enfants syriens dans la province d’al-Hasakah (nord-est).
Judi Kaya est née en 1992 dans la ville de Amuda au nord-est du pays (Gouvernorat d’al-Hasakah). En tant que jeune Syrienne témoin des débuts de la guerre, elle a choisi de s’engager pour rendre compte du conflit avec les moyens et outils disponibles. Elle s’est formée en travaillant comme reporter pour SMART News Agency de 2015 jusqu’en 2017.
« Le taux de scolarisation de base en Syrie est passé de près de 100% à une moyenne de 50%. Dans certaines zones où les affrontements se sont inscrits dans la durée, comme à Alep, ce taux est plutôt proche de 6%. » (Save the Children, 2015)
Dans un environnement où le système éducatif est fortement détérioré, la famille encourage souvent les enfants à travailler. Quant à l’employeur de Muhammad, il prétend que les enfants apprennent la profession, ce qui les aidera plus tard à ouvrir leur propre boutique. (SMART News Agency)
ASML/Syria :
Mise en place par des Syriens pour les Syriens, ASML/Syria est une association franco-syrienne née en 2011 qui soutient le développement de médias indépendants en Syrie. Elle développe des solutions médias innovantes à la réalité humanitaire et sociale du conflit. Déterminée à atténuer les souffrances actuelles de la population, cette association de loi 1901 oeuvre à bâtir les fondements pluralistes d’un avenir pacifique et démocratique.
https://asmlsyria.com/
SMART News Agency :
SMART News Agency est une agence de presse syrienne indépendante créée en 2013 qui s’appuie sur un réseau de 40 correspondants et fournit des informations fiables aux médias nationaux et internationaux. Son réseau de correspondants, issu de la société civile est réparti sur l’ensemble du territoire syrien et dans les pays voisins, il permet d’informer les populations locales et les médias internationaux avec des informations de terrain objectives et vérifiées.
https://smartnews-agency.com/
La totalité des ventes de cet ouvrage permettra de soutenir ASML/Syria dans ses missions de défense du journalisme syrien indépendant. EN VENTE ICI : https://asmlsyria.com/product/sourya-photo-album/
Aider en Syrie :
Le Collectif de Développement et Secours Syrien, CODSSY, siège à Paris, il rassemble des associations syriennes et franco-syriennes qui viennent en aide aux Syriens en Syrie et dans les pays d’accueil : http://codssy.org/language/fr/
CODSSY vient de lancer une campagne pour fournir 150 paniers alimentaires dans la Ghouta orientale (banlieue de Damas), pour des familles qui ont des enfants souffrants de malnutrition chronique : http://codssy.org/ghouta/