En France, l’autisme concerne 600 000 personnes. De l’hôpital à l’école, comment se construit la scolarisation des enfants autistes ?
Quelle place à l’école pour les enfants autistes ?
On dit souvent des enfants autistes qu’ils sont « dans leur bulle », ou « dans leur monde » car ils ont tendance à s’isoler, éprouvent des difficultés à entrer en communication avec les autres enfants et développent des centres d’intérêts peu communs.
Si la place des enfants autistes à l’école n’est pas toujours évidente à trouver, leur scolarisation est un défi posée à notre société, en ce qu’elle questionne notre modèle d’intégration, notre rapport au handicap et notre capacité à accepter la différence.
En France, la tendance actuelle est à « l’inclusion scolaire », c’est à dire la volonté de scolariser les enfants autistes, en « milieu ordinaire », en écoles dites « classiques ».
Si cette logique fait aujourd’hui l’unanimité, la prise en charge de l’autisme a suscité de nombreux débats en France au cours des dernières décennies. Il y a trente ans, l’autisme était considéré comme une maladie psychiatrique et donc la majorité des enfants autistes étaient pris en charge en hôpital de jour, très peu était scolarisé en « milieu ordinaire ». Les associations de parents se sont progressivement mobilisées pour sortir les enfants des institutions médicales et les réintroduire dans le système éducatif. Dans le domaine de l’inclusion scolaire, c’est d’ailleurs l’Italie qui est aujourd’hui le pays-champion puisque tous les enfants autistes sont scolarisés dans l’école de leur quartier et n’ont plus leur place dans les centres médicaux.
« Depuis 2005, il y a un véritable effort d’inclusion, on doit s’adapter à l’enfant » Marie-Pascale, professeur des écoles à Besançon
En France, la loi du 11 Février 2005 appelée « Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » fait de l’inclusion scolaire un objectif national. Cette loi décrète que l’école publique doit mettre en place les moyens nécessaires pour scolariser les élèves en situation de handicap. Ainsi, les enfants autistes sont accompagnés d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) en classe. Pour les enfants avec un handicap plus lourd, des ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) sont mises en places, ce sont des classes à effectif réduit (12 élèves) qui accueillent des enfants regroupés par handicap similaire.
Marie-Pascale Amiotte-Suchet est professeur des écoles à Besançon et « coordonateur ULIS ». Elle joue un rôle particulier pour l’inclusion des enfants autistes au sein de l’école.
«Dans le dispositif ULIS, les enfants sont inscrits dans une classe ordinaire et suivent le plus de cours possible avec les enfants de leur âge, ce qui leur permet de les inclure au groupe». Selon elle, « il y a un véritable effort d’inclusion, on doit s’adapter aux besoins de l’enfant, l’inclure le plus possible au groupe malgré son handicap ».
« Les associations jouent un rôle très important dans le changement des mentalités » Alix, bénévole à Soliane
Alix est bénévole à l’association Soliane, une association de Marseille spécialisée dans l’accompagnement des parents ayant un enfant en situation de handicap. Militante active et passionnée, elle-même mère d’une jeune fille handicapée, Alix a fait de cet engagement associatif le combat d’une vie « pour trouver une place à sa fille dans la société de demain ».
Crée en 2003, l’association Soliane a pour objectif de mettre en relation les parents d’enfants ayant un handicap afin qu’ils puissent partager leur expérience, s’entraider, s’écouter. En grande majorité, ce sont les mères des enfants handicapés qui arrêtent de travailler pour s’occuper de leur enfant au quotidien et s’investir dans cette cause. L’association veut mobiliser autour de la question de la scolarisation des enfants handicapés et faire évoluer les mentalités. « Oui, les enfants handicapés, et notamment autistes, ont leur place dans une école ordinaire, et l’Education nationale doit tout faire pour les y inclure! » affirme Alix depuis le siège de Soliane, un petit bâtiment caché entre deux immeubles du Boulevard Rabatau.
Mais la prise en charge de l’autisme ne fait pas l’unanimité et beaucoup disent qu’il existe un fossé entre les associations de parents et les professionnels du médico-social et du sanitaire. « Le handicap est quelque chose de très lourd qui nécessite la collaboration de tous les acteurs » selon Alix. L’heure n’est donc pas aux divisions et même « s’il n’est pas toujours facile de travailler avec les professionnels », elle affirme avoir « besoin de travailler main dans la main avec les médecins, les psychologues, les orthophonistes… pour que la scolarisation soit complète ».
Le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés a plus que doublé depuis 2006.
Ces multiples dispositifs mis en place depuis la loi de 2005 ont fortement contribué au processus d’inclusion scolaire. Ainsi, le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés a plus que doublé depuis 2006. En 2017, l’Education Nationale recense 300 815 enfants en situation de handicap scolarisés en « milieu ordinaire ».Néanmoins, le modèle français est loin d’être parfait et il reste encore de nombreux progrès à réaliser pour envisager une meilleure scolarisation des enfants autistes.
Selon Alix, il faut prioritairement « mettre des moyens pour répondre au défi du manque de place », à la fois en instituts spécialisés et en milieu scolaire classique, qui pousse chaque année de nombreuses familles françaises à s’exiler en Belgique pour scolariser leur enfant autiste. Si certains quittent la France pour scolariser leur enfant autiste, d’autres la rejoignent car la situation est bien pire dans leur pays.