À quelques minutes de la sortie scolaire, ça s’agite devant l’entrée de l’école de Mérindol. Comme tous les jours, les parents et grands-parents arrivent et s’assoient un peu partout autour, en attendant la sonnerie. Certains discutent entre eux, d’autres restent silencieux. Un élément a changé dans le décor. Une drôle de caravane rouge s’est installée sur la place et ses reporters posent une question universelle : comment parler d’actualité avec les enfants ? Est-ce un sujet que l’on aborde ou que l’on évite ? Et si on en parle, quelles sont les bonnes façons de le faire ?
Expliquer, même l’inexplicable
Rémi, 59 ans, intervenant en musique au foyer associatif de Mérindol attenant, est père de trois filles aujourd’hui adultes. « Certaines n’ont pas du tout les mêmes opinions que moi », explique-t-il en riant, « Ça fait des noëls animés, mais on finit toujours par s’entendre. » Pourtant, cela ne l’a jamais empêché d’aborder les sujets complexes avec elles. « Je préfère essayer d’expliquer, même quand c’est compliqué, plutôt que de faire comme si ça n’existait pas. » En tant que professeur de musique, il a souvent utilisé des chansons comme support pour ouvrir le dialogue, un moyen indirect et original qui, selon lui, fonctionne très bien avec les enfants.
Fanny, 52 ans, privilégie aussi le dialogue : « Quand l’actualité est forte, j’essaie de comprendre ce que mes enfants savent et s’ils ont bien compris, savoir où ils en sont. » C’est aussi important pour elle de lier ses engagements à leur éducation. « Je veux transmettre mes valeurs de gauche, d’humanisme et de partage, je pense que chaque parent fait ça.”
Rappeler la chance que l’on a
Pour Annie, 62 ans, qui s’occupe régulièrement de sa petite-fille Louison, 7 ans, la question ne se pose pas. « Les jeunes en savent plus que nous maintenant », affirme-t-elle d’un ton amusé. Bénévole dans une association d’aide alimentaire, elle n’hésite pas à parler de la réalité sociale avec les plus jeunes. « C’est important qu’ils sachent qu’il y a des enfants qui n’ont pas leur chance. » Elle aborde avec sa petite fille des réalités parfois dures, mais essentielles.
Agnès, 60 ans, adopte une approche similaire. Lorsque sa petite-fille de 8 ans évoque des images d’enfants souffrants à la télévision, elle prend le temps d’expliquer. « Oui, il y a des enfants qui n’ont pas beaucoup à manger ou qui sont séparés de leurs parents. C’est important qu’elle sache qu’elle a de la chance. »
Protéger l’enfance ou ouvrir au monde ?
D’autres parents préfèrent protéger leurs enfants des sujets d’actualité. Nicolas, directeur d’un centre de loisirs et père d’une fille de 8 ans, ne regarde pas le journal télévisé à la maison. « À table, on parle des actualités de chacun. Ma fille nous raconte en détail sa journée. À 8 ans, je préfère qu’elle profite de sa vie plutôt que de s’inquiéter des malheurs du monde. »
Julie, 43 ans, est confrontée à un autre défi : sa fille de 13 ans a été très angoissée par ce qu’elle a entendu à l’école de l’affaire Gisèle Pelicot et a développé une peur irrationnelle d’être enceinte sans le savoir. « C’est difficile de savoir comment rassurer. Même après en avoir parlé, l’angoisse reste. » Avec son fils de 5 ans, ce sont les catastrophes naturelles qui suscitent des questions. « Parfois, je me sens démunie. Je regrette qu’on n’en parle pas davantage à l’école. »
Stéphane, 52 ans, a une approche différente. Avec sa femme hôtesse de l’air, ils ont toujours raconté leurs voyages à leurs enfants, en partageant ce qu’ils ont vu à travers le monde lors de leurs escales . « Raconter ce qu’on voit vraiment, en Afrique ou en Amérique du sud permet d’aller plus loin que les images de carte postale et surtout de parler de certains pays sans qu’ils soient en crise. »
Chaque parent a finalement sa manière d’aborder l’actualité, selon ses propres valeurs, sa sensibilité et celle de ses enfants. Que ce soit pour transmettre des leçons de vie, rassurer face à des peurs, ou au contraire protéger l’innocence, le dialogue semble rester central.