« Tant qu’il y aura des cèdres » de Pierre Jarawan (Liban) fait partie des livres qui traitent d’un aspect des phénomènes migratoires rarement abordé par les médias : le retour au pays, non pas de celle ou celui qui l’a quitté, mais de l’un de ses descendants, qui, pour devenir adulte, éprouve l’impérieux besoin de retrouver ses origines et, ce faisant, de connaître celles de l’aïeul conduit à l’exil.
Dans cette série, on connaît « l’art de perdre » d’Alice Zeniter (Algérie), « la société des belles personnes », de Tobie Nathan (Egypte). Un thème universalisé par la magnifique histoire racontée par Alex Haley dans « Racines », où, plus de 2 siècles après le départ forcé de son lointain ascendant d’un pays d’Afrique pour être emmené en esclavage en Amérique, il retrouve la tribu d’origine de sa famille grâce à la préservation d’une tradition uniquement orale.
Dans « Tant qu’il y aura des cèdres », la quête du héros suit un chemin ponctué d’indices provenant des contes qu’inventait pour lui son père, avant que celui-ci ne disparaisse brusquement et mystérieusement. On y découvre l’extrême violence des épreuves et des sentiments de ce fils qui, pour sortir de l’isolement dans lequel il s’est enfermé et satisfaire son exigence de vérité, doit reconstituer l’histoire de son père et remonter à la source des traditions du Liban.
La construction du livre nous ballotte d’une époque à une autre, d’un sentiment à l’autre, d’un épisode de vie à un autre, nous faisant ressentir la fragilité de la santé mentale dans la tourmente souvent tragique de l’histoire d’un pays. Je suis ressorti de sa lecture un peu ébouriffé par le foisonnement des situations et émotions rencontrées mais rendu beaucoup plus optimiste par la simplicité métaphorique avec laquelle l’auteur exprime une telle complexité et permet à son héros de s’en libérer.
Olivier Goehrs