Abdo Shanan est un photographe algérien. Entre 2014 et 2016, il entreprend une série nommée Diary Exile, journal intime de son retour en Algérie après des années passées à l’étranger. La photographie permet à son auteur de prendre du recul, d’interroger et d’exprimer des sentiments enfouis.
En 2009, le photographe Abdo Shanan rentre en Algérie après des années de vie en Libye. Il se sent seul, perdu dans cette société qui a changé, ou qu’il a lui même romantisée durant les années où il en a été éloigné. Les autres lui renvoient son étrangeté : accent, apparence physique. La réintégration est compliquée.
Le photographe explique alors s’être exilé mentalement pour se protéger, prendre du recul. Un exil choisi pour mieux se retrouver, sans forcément changer, contrairement à ce que lui demandent ceux qui l’entourent. Cette réflexion intérieure lui apporte la paix, lui permet de comprendre qui il est : un mélange de trois cultures jamais dissociables entre son père soudanais, sa mère algérienne et ses années libyennes. S’en suit à partir de 2014 un travail photographique qui lui permet d’avancer. Diary Exile est en ce sens un journal intime qui s’est imposé à lui. Les images sont prises de manière intuitive. Elles lui permettent d’imprimer sur papier des sentiments, de faire un pas de côté avec la réalité. Plusieurs images ont pour personnage central sa grand-mère. L’auteur pensait initialement aborder un travail sur son histoire mais il se rend finalement compte que c’est lui-même qu’il interroge.
La photographie devient expression quand les mots ne sortent pas, ou mal. Avec cette série, Abdo Shanan n’a pas peur d’être mal compris. Il se met à nu. En réponse, certains demandent des explications, cherchent à savoir qui il est, d’où il vient, d’autres partagent des trajectoires similaires. Abdo se souvient d’un homme qui se met à pleurer devant les clichés un soir d’inauguration à Alger en lui disant : « je comprends d’où tu viens ». Des larmes qui font écho à celles que le photographe a lui-même versées dans sa chambre la première fois qu’il a accroché ses photos.
« J’ai appris », explique-t-il quand on lui demande si aujourd’hui il se sent encore en exil. « J’ai avancé. Je ne me sens pas plus en exil que les autres.».